Ni de ce monde, ni de cette époque

Je ne suis pas de ce monde, je ne suis pas de cette époque. Mon mal de vivre est issu de mon anachronisme. Je suis probablement d'un univers futur où toutes les relations humaines sont complexes et se soutiennent en un immense réseau cybernétique. Quand mes humeurs cyclothymiques se manifestent, une boucle de rétroaction s'enclenche, amenuisant leur effet et apaisant les symptômes de la tourmente pendant que j'en attaque la racine.Dans ce monde autiste, artiste et sinusoïde, les communications ne se font plus qu'en termes explicites. C'est pour cela qu'on n'y dit plus "je t'aime", cet agrégat d'amour romantique s'est dissout dans un réalisme idéaliste, mais pas idéalisé. On dit plutôt : J'ai envie de tout partager avec toi, je pense à toi en jouissant, ton image m'obsède et me donne des forces, te décevoir me blesse. Honte à ceux qui croient que la métaphore n'est pas une forme directe de communication; la forme verbale de la communication humaine est d'une richesse qu'ignorer, c'est insulter.Ces derniers temps, je me pose beaucoup de questions sur l'amour romantique, le féminisme, le patriarcat, la politique. Et beaucoup trop peu sur l'aventure, l'auto-stop, la mobilité, les langues. Je sens le poids de m'attacher à un endroit où la direction me dérange, et où mon impuissance politique me fait sentir comme une demi-humaine. Et même si ça n'avait aucun lien avec ma condition de femme (ça en a un, à un certain degré), cette impuissance politique me donnerait tout de même la nausée.Depuis le temps qu'on m'emmerde avec des citations idéalistes, j'aimerais bien voir le monde arrêter de reculer. Mais ce que j'observe, ce sont des danses, des tensions, des tangos gracieux, du surplace fashion. Si je n'ai plus l'amour romantique pour me garder dans ma poussée vers l'avant, je me mets à faire du surplace moi aussi. Et ça, je le refuse - aussi bien me suicider.Soyez sans crainte, je n'en suis pas là dans mes réflexions. J'en arrive plutôt à quelques conclusions :- Mes attaches géographiques actuelles me sont lourdes parce qu'elles m'impliquent médiatiquement et politiquement d'une manière beaucoup plus forte que jamais ailleurs dans mon référentiel d'espace-temps.- Le voyage, l'aventure, l'inspiration, le relationnel et l'humain sont ma marijuana à moi, une drogue qui atténue les réalités acerbes de mon monde. Quand je lève le pouce ou que je dors chez autrui, je vois le monde avec des lunettes brillantes, joyeuses. Quand j'arrête, les verres s'obscurcissent et la réalité devient terne. Il me faut donc user de stratégie pour ne pas me sentir triste, seule, immobile. Dans mon univers à moi, l'immobilité, c'est une forme de désespoir. Je n'ai pas l'intention de compenser avec une autre drogue. Et pour le moment, j'ajouterais "même l'amour romantique".- Si le polyamour et le polyamant me conviennent en ce moment, ça ne veut pas dire que ça sera toujours le cas. Ce n'est pas une leçon que la vie m'apprend, et le cynisme n'est pas un véhicule efficace dans ma mobilité de mon esprit. La réalité est qu'en ce moment, c'est ce qui est, ça me convient, ça satisfait une partie de mes besoins humains au quotidien. C'est tout pour aujourd'hui.

See original: perilisk, idéaliste à temps plein Ni de ce monde, ni de cette époque