Lettres à mon compagnon - Sur la route...

Trop long, un email sur la route - J'ai peur, j'ai peur ... 7 mars[...]Tu sais probablement déjà que j'ai parlé avec ta sœur au téléphone dernièrement... J'ai crû que c'était sans problème. Je ne te tends pas de guet-apens dans ma toile tissée autour de toi... Tu sais, un jour j'ai eu une veuve noire qui m'a grimpé tout le long de la jambe, au Pérou. J'ai tendance à jouer avec ces animaux, à ne pas me faire de souci, mais tu es le mâle, je suppose que tu as tes raisons d'être anxieux... Mais non, j'avais simplement envie de lui parler. Il est difficile de croire qu'on a passé tout ce temps au téléphone, 75 minutes je crois? Je raccroche normalement le téléphone au bout de 20 minutes avec mes parents, leur disant: Papa, mon cerveau est cuit! (putains de téléphones portables). Elle m'a tout dit sur des inaptitudes linguistiques, et je lui ai tout dit sur mes non-diplômes. Apparemment, j'ai un rancart avec elle en Inde. Au fait, je t'ai dit que j'aimais les femmes également?Enfin, il n'y y a ni début ni fin. Tu as vu des pièces éparses du puzzle de mon processus quotidien, me plongeant dans cet état d'esprit éparpillé/terrifié/apaisé/heureux dans lequel je me trouve en ce moment. Et depuis mon arrivée à Paris, je ne suis plus aussi terrifiée, à dire vrai. Je me sens bien, mais j'ai peu d'émotions, je me sens presque zombie..Je n'arrive pas à prendre du recul face à tout ça. Je crois que c'est une expérience religieuse, mystique. Peux-tu lire tout ça sans croire que je suis complètement folle? Je suis généralement quelqu'un d'organisé, de rationnel, mais quand j'appréhende la situation en cours, j'ai l'impression de pelleter des nuages....Tout d'abord, je suis une sorcière. Tu en es un également (tu le savais, n'est-ce-pas?). Il est plus difficile de reconnaître les hommes-sorcière que les femmes, mais c'est possible. Qu'est-ce qu'une sorcière? Le décrire n'est pas simple, mais en juin 2006 j'ai écrit: "Le chamanisme, religion primitive, avait ses hommes et femmes a vocation religieuse. la sorcière était alors des rites liés à la déesse-mère, apportant la fertilité à la terre. On parlera dans l'antiquité de Cybèle ou Demeter, de Diane. Les femmes étaient alors les cueilleuses, puis des agricultrices. Leur rôle était sensiblement plus proche de la terre et du règne végétal.Apparurent les guérisseuses, des femmes soigneuses. Ce n'est que tardivement que la sorcière, la femme chaman, se métamorphosa en un mythe misogyne. C'est dire que ces femmes avec une connaissance mystique ou scientifique particulière faisaient peur de par leur autonomie (tant professionnelle qu'intellectuelle). C'est une femme qu'on n'épouse pas, elle est étrange et séduit. On ne peut la mettre dans une catégorie. On l'utilise puis on la détruit. [...]Pour moi, le mot sorcière est chargé de toute cette histoire-là. C'est quelqu'une qui d'abord et avant tout guérit. Quelqu'une qui possède une spiritualité liée à la terre, à une vision holistique de Gaïa. C'est quelqu'une de fertile intellectuellement, a en être incomprise et inadaptée. C'est quelqu'une qu'on voit comme mère ou marraine de beaucoup d'êtres vivants. C'est quelqu'une qui impressionne par son attraction sexuelle, par sa liberté, mais qui ne conserve pas d'homme dans sa vie. C'est quelqu'une qui se fait désigner herboriste ou sorcière par le sens commun et par ses pairs."Alors,...Je t'ai dit auparavant que j'ai souvent dans ma jeunesse ressenti l'appel du monde religieux, spirituel, particulièrement dans les périodes de dépression. Cette fois-ci, je ne suis pas déprimée. Quand j'ai décidé de me remettre sur la route, mon cœur battait la chamade, comme si je faisais une folie... et .. vivre avec l'adrénaline dans mon système toutes ces semaines a été franchement horrible et doux à la fois. J'espérais tellement de tes nouvelles, je vivais mon désir si intensément, ta présence dans mon cœur et cette situation déconstruite, tout cela m'a fait atteindre un point de non-retour. Tu t'es fondu dans l'entièreté de la situation, un catalyseur de ces choses latentes en moi. C'est ce que je veux dire par "Ce n'est plus à ton sujet seulement"Nous sommes devenus des êtres égoïstes. Je te dis comment je me sens et ce que je veux. Tu me dis comment tu te sens et ce que tu veux... il n'y a pas de compassion profonde entre nous, pas de "nous", d'"ensembleté". Je me suis rendue compte de cela, est ça m'a embêtée. Du ton de ton dernier message, je peux sentir le changement, également. Attends, j'ai une bédé pour ça.http://xkcd.com/355/En pelant sans fin mes pommes de terre, j'ai pris plaisir à développer une obsession au sujet d'une partie très précise de toi: ta clavicule, du côté gauche. J'ai eu une vision de mes mains déposés là, se déroulant en un galop vers ton sternum, et puis le plat de ma main s'étendant et ma tête déposée par-dessus. Et là, tes mains caresseraient mes cheveux et je fermerais les yeux. À présent, chaque fois que je touche l'une de mes clavicule, je me sens très vivante.J'ai marché au retour du supermarché, j'ai pensé: "Je suis libre comme une none". Je crois que ça y est; je n'ai pas de religion, mais je prends lentement mes vœux: un mode de vie plus simple, plus pauvre, plus humble. Accepter la charité, vivre de dons, tout donner, sourire, partager, bouger, soutenir les autres. Je ne peux être sur le sentier des carrières, consommer, "en" faire partie. Parfois l'on prend des résolutions et l'on se bat pour les maintenir.. Je ne suis pas ainsi. Quand j'ai arrêté de fumer, j'ai simplement oublié de fumer. Je ne suis jamais demeurée dépendante de quoi que ce soit bien bien longtemps. C'est une réflexion fertile que je vis en ce moment, et j'abandonne la société. J'ai tenté trop longtemps d'être normale, je ne pouvais le voir auparavant, j'étais emprisonnée dans un autre monde, un autre jeu avec d'autres règles. Je vais de l'avant, mais sans dire "je suis prête à aller de l'avant, je suis résolue", mais plutôt: "c'est en cours de route". Je ne choisis pas la folie... enfin, tu sais ce que je veux dire, tu es straight-edge toi aussi...Je sens que j'embrasse une vie sacrée. Que fait-on en "entrant en religion" ? Que fait-on aux sorcières avant de les brûler?On coupe leurs cheveux.Alors j'ai pensé à ça, mes doigts courrant le long de ta clavicule, et toi me coupant les cheveux... Et cette phrase que m'a fait tellement peur lorsqu'elle est apparue dans ma tête, en connaissance intuitive de sorcière... "Si ce n'est pas lui, alors personne d'autre". Eh bien, je crois que ça y est. Si tu ne me rase pas la tête, je devrais le faire moi-même. Franchir la porte. M'y rendre.Tu dis que je te pousse, et toi tu me tires.. Tu me force à lâcher prise, à te laisser aller, a laisser tous mes espoirs derrière. C'est difficile, mais après tout, ça m'a amenée où je suis en ce moment. Je respecte celà, tes sentiments pour moi qui éclatent dans toutes les directions, terminant tous tes emails comme si tu avais vraiment peur de me perdre, où peur de croire que je pourrais ne pas être "cette fille"....Je n'ai ni peur de mourir, ni peur que tu meures, mais de tout ce qui peut nous arriver avant que mes doigts ne gallopent sur ta poitrine le long de ta clavicule, avant que ma tête ne repose enfin sur la main plate sur ton sternum.J'honnis l'idée selon laquelle ta fuite pourrait te mettre en danger, juste pour fuir, et c'est pour cela que je ne peux plus te pousse. Je préfère être patiente dans cette vie-ci (patiente, moi?) que de te poursuivre à travers lles cycles karmique et les renaissances...Comment conclure? Je suis excitée, heureuse, fatiguée, malade, tu me manques et je ne t'ai jamais vu, je me sens très seule mais tellement assurée, je me sens abandonnée mais tellement soulagée, et je sais que tout ça, c'est de ta faute.Je t'exprime malgré tout ma gratitude.---[...]Depuis que j'ai quitté ma base, je me suis tenue occupée et n'ai pas beaucoup pensé à toi. Le seul moment où j'ai souhaité que tu soies à mes côtés, c'est quand j'ai déchiré le ventre de Paris et entré dans l'utérus des catacombes. Là, rampant agilement, tel un chat, prennant plaisir à vivre mon silence propre, j'ai ressenti le besoin de la présence de "ce gars" (toi! hehe), derrière moi ouvrant ses bras et me tennant très doucement. À contempler les graffitis, de ces oeuvres d'art aux compositions magiques, faits à l'ancienne, en noir et blanc, mon corps s'est tenu vers l'arrière, à la recherche de la chaleur du tien, d'un partenaire qui les regarde avec moi.C'est le seul moment.Tes emails était sans doute trompeurs. Ils m'ont mise en déroute, hors de ma route. Je ne comprends pas pourquoi tu m'as cueillie hors de ma vie solitaire, tu as empoigné ma main pour me tirer à travers les monde de rêve où je me fous de ce dont j'ai l'air, où je dois aller et comment m'y rendre. Je déteste penser que tu pourrais me faire du mal. Malgré qu'on ne se soit jamais rencontrés. Malgré que tu soies si loin, malgré que tu aies tout enclenché.(Solitaire ? c'est discutable. Je ne t'ai jamais mentionné que je voyais quelqu'un à Edimbourg, quelqu'un qui m'a donné du boulot payé pour sa thèse de doctorat, assez pour me rendre à Istanbul. Étrangement, nous avons cessé de nous voir au même moment où tu faisais tes pirouettes...Je vais au lit, je peux à peine me tenir assise. Ma gorge me brûle, mais de l'air frais est entré dans l'appartement depuis le début de cette lettre. Épuisée. Je voudrais le silence, enfin, et puis le vent. Le calme. Le vent. J'aime le veut, la sensation qu'il me donne lorsqu'il me caresse les cheveux me fait sentir si libre.*chuchotant à ton oreille*"Sois mon vent..."-------------Il danse, Il danse, sur quel pied danse-t-il ? - 11 mars"Oï.Je te dois encore un long email... 9 jours sans hôte, sans douche, des squats, camping... et les gens au hasard des routes...Je ne sais pas qui a commencé tout ça... ce qu'il y a entre nous. Je ne crois pas que ça ait de l'importance. Ce n'est certainement pas ce que je cherchais. L'intimité avec qui que ce soit ne me manque même pas.Mais peut-être que je pense encore à ce que ce serait de tenir quelqu'un dans mes bras.Tu t'accroches à une image, je le fais pour des paroles.."everything will be back to the way that it was. I wish it was just that easy""this is over my head and underneath my feet"Je ne sais pas. Désolé. Pensées. Rapides. Rencontré un couple français faisant du stop jusqu'en mongolie. Super excitant!... je dois me sauver..."---Eh bien sauve-toi. 11 mars - À Cologne.Honnêtement.Je suis fatiguée de tout celà.Tu ne le fais pas exprès, mais je résultat est le même: je sens que tu joues avec moi.Je crois que je devrais tout laisser aller de toi. Tu me fais du mal. J'ai envie de te dire que je ne veux plus avoir de tes nouvelles, mais c'est parce que je suis brisée.En te souhaitnant un heureux parcours solitaire...Je ne veux plus te rencontrer.Et tu ne me dois rien, vraiment.Vraiment? Eh bien adieu - 13 mars"C'est ainsi que notre histoire doit se terminer.En y repensant, oui, le résultat est que je me suis joué de toi. Jamais ce ne fut mon intention, te faire du mal? Jamais.Toujours déchiré.. et tu pousses.. et j'ai dit des trucs que tu voulais entendre... pour partager un rêve avec toi qui n'était sans doute pas entièrement le mien.Je suis sincèrement désolé. Je veux être ton ami, je veux te rencontré, mais je n'ai jamais ressenti ce moment comme le bon. ..Si ce n'est pas en Inde, alors.. un autre endroit, un autre moment.Je respecte que tu soies furieuse contre moi. Je suis aussi furieux contre moi, qui suis pour toi qu'un pleutre, qu'un autre con.Que tu me réécrives ou non, je souhaites que tu te sentes bien à présent sur la route."

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