Ankara - Cappadocia - Auto-stop

10-04-09Encore une fois, je me vois quitter un endroit ou je pourrais vivre pour un bon moment. Mes hôtes furent charmants, nous nous sommes bien entendus en tant que voyageurs... Je suis demeurée là une journée de plus, mais à présent que je suis reposée je dois reprendre la route. Je me dirige vers le Cappadoce, ma première expérience d'auto-stop en solo en Turquie, et je suis légèrement nerveuse. Également, je me dépêche de décrocher, de lâcher prise. Je n'ai pas eu de nouvelles de Taylor depuis déjà quelques jours, puisque la dernière fois j'étais encore à Istanbul. Je suppose qu'à présent, je me dois de disparaître un peu, penser à autre choseé"Ce ne sera pas possible", ai-je entendu dans ma tête et j'ai répondu "Je sais." "Que vas-tu faire?" me demanda-t'il."Écrire, écrire, écrire."Il est toujours tentant de s'arrêter quelque part et s'installer un moment. S'arrêter amène des choses bien différentes de ce que la route nous prodigue. La roude vous nourrit d'abord, puis elle vous met à l'épreuve. Tout d'abord, elle vous embrasse, vous enflamme, puis elle vous rappelle à quel point la vie n'est que solitude. Cela vous fait prendre conscience de la valeur du temps, ce temps que vous avez mainteant à revendre. On ne peut compter le temps sur la route en heures ou en semaines, ce doit être en jours ou en mois, voire même en années. La route est une déesse et une salope. Elle vous guide lentement vers la folie, la folie, la folie. Quand l'on s'installe, on se cache littérallement d'elle.... On se sent comme un trouillard, ignorant un appel intérieur assourdissant, laissant la vie passer sans y goûter. On doit délaisser son petit confort, les mondanités, l'espoir, la nourriture chaude, la solitude socialement intégrée. Quand la route appelle, le choix est simple: se sentir comme une merde ou mettre ses chaussures, mettre ses chaussures, mettre ses chaussures.Ou marcher nu-pieds.---Deuxième voiture vers le Cappadoce, la Turquie est une terre nue, les routes et les lignes de courant électriques ressemblent à des cicatrices sur le territoire vierge et verdoyant. Ma monture est un taureau féroce, pardon, un camion Turc avec de bien mauvais amortisseurs. Je profite du rodéo, au sommet du monde, un camion ou l'odeur de tabac me rassure plus qu'elle ne m'énerve. La steppe s'étend devant moi et quand je dis "Çok güzel" (magnifique), c'est du fond du coeur.---J'ai eu une vision: montant à cheval, gallopant dans la steppe, mais ne pouvant m'imaginer sans une longue tignasse sauvage. Je me suis vue m'aggrippant fermement à mon étalon, comme à un ami, et passer devant un troupeau de moutons. Les moutons à qui j'appartiens. Comme le camion domine la route, comme je domestique, j'apprivoise, je soumets le camion dans ce grand rodéo, je commence à croire à ces mondes parallèles ou rien n'appartient aux humains, et ou les humains appartiennent à tous les êtres vivants. J'appartiens au mouton, j'appartiens au foin, j'appartiens à l'herbe.La course de mes idées se voit interrompue par la musique qui s'est soudainement arrêtée. Dans le silence, je me suis mise à siffler, et comme le chauffeur semblait apprécier, je me suis mise à chanter une chanson de ma terre natale. Apparemment, il l'a appréciée - Shefferville, une chanson à propos d'une ville-fantôme et le fait d'être la dernière âme à la quitter - et, suivant cet intermède, il s'est mis à me parler beaucoup plus. Je ne pouvais pas tout comprendre, mais j'ai réalisé qu'il parlait d'auto-stop, de conducteurs, hommes, femmes, sexe et voiture. J'ai dit fermement "Hayir" (non) et ça l'a fait sourire un peu. Il m'a dit que non, lui ça ne l'intéressait pas, mais il voulait que je soies consciente de ce problème, je suppose. J'ai pointé mon sac à dos du doigt, j'ai dit que j'étais Canadienne et pas "Natasha" (prostituée en jargon Turc, souvent Russe). Je n'ai pas trop saisi ce qu'il m'a dit ensuite, et il était maintenant temps de se séparer.

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